Pourquoi le hameau de Glozel (Allier), renfermant les preuves d’une invention de l’écriture qui, non seulement ne doit rien aux sumériens, mais lui est probablement très antérieure, ne bénéficie t- il pas d’une renommée sinon mondiale, à tout le moins nationale ? C’est en effet là que dans les années vingt, Emile Fradin, labourant le « champ des morts » avec ses bœufs, trouva les premiers artefacts (os, galets, tablettes d’argile gravés), toujours exposés dans une pièce de la ferme familiale transformée en musée.
L’université s’employa à le calomnier et à le discréditer, l’accusant d’être un faussaire alors que l’authenticité et l’ancienneté des pièces exhumées sont incontestables.
Dans le même ordre d’idée, quelle publicité fait-on aux preuves récemment découvertes d’une utilisation de l’écriture à Moras en Valoire (Dauphiné) bien avant que les grecs ne débarquent sur nos rives pour fonder Massilia (introduction en Gaule de l’écriture selon la vulgate), ou encore au calendrier gaulois dit de Coligny (en bronze, conservé dans le très officiel musée gallo-romain de Fourvière à Lyon) qui prouve indubitablement que, contrairement à une idée largement répandue, les gaulois savaient écrire ?
Bien sûr, on peut invoquer la force d’inertie des théories en vigueur à une époque donnée, défendues par des universitaires peu soucieux de reconnaître qu’ils se sont (et nous ont) trompé toute leur vie, mais de tels obstacles n’ont pas empêché à la renaissance la révolution copernicienne (la terre tourne autour du soleil et non l’inverse) de faire table rase des dogmes tenus pour acquis depuis l’antiquité en matière d’astronomie.
Risquons donc une autre hypothèse, plus politique : le jacobinisme révolutionnaire, prenant la suite du lent mouvement centralisateur existant sous la monarchie, et imprégnant toujours notre république, ne modèle-t-il pas en profondeur nos modes de pensée ? Sa transposition en matière historique est aisée : l’écriture, inventée à Sumer il y a 5000 ans, s’est ensuite répandue de proche en proche, à la manière des cercles produits par une pierre jetée dans un étang. Mais, si la faction girondine l’avait emporté dans les années 1790, si nous vivions dans un État fédéral (ou tout au moins largement décentralisé), ne trouverions nous pas naturel et évident que l’écriture puisse avoir été inventée (et oubliée !) à différentes époques en différents endroits ?
Si l’on ajoute à ce tropisme centralisateur l’influence souterraine mais déterminante sur l’intelligentsia de discrètes mais nombreuses sociétés philosophiques pour qui la lumière ne peut venir que d’orient, et l’insistance politico – médiatique mise à enlever toute fierté identitaire aux autochtones, dont les ancêtres incapables d’avoir rien inventé doivent être reconnaissants aux grecs, romains, et autres Al Andalous de les avoir civilisés (ne pas faire le jeu de tel parti politique compte manifestement plus que l’exactitude historique), l’on ne s’étonnera plus des ornières dans lesquelles s’embourbent certaines recherches historiques et archéologiques dans notre pays…
Barde Erispoë